agroperspectives.fr

Quel impact du bien-être animal sur la productivité agricole ?

6 février 2025

Comprendre le lien entre bien-être animal et productivité

À première vue, certains agriculteurs pourraient considérer que s'orienter vers des pratiques visant à maximiser le bien-être de leurs animaux engendre des coûts supplémentaires ou des contraintes logistiques. Cependant, les études s’accordent à montrer que des animaux en bonne santé, bien nourris et vivant dans des conditions adaptées à leurs besoins biologiques sont globalement plus productifs et nécessitent moins d’interventions coûteuses.

Quelques chiffres éclairants

Un rapport de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) indique que des vaches laitières bien traitées produisent en moyenne 10 à 15 % de lait en plus sur leur cycle de vie. Par ailleurs, les porcs élevés en plein air, ayant accès à des sols variés et à un espace suffisant, affichent une meilleure prise de poids quotidienne tout en nécessitant moins d’antibiotiques.

Les systèmes intensifs où la densité animale est trop élevée, à l’inverse, présentent souvent des taux de mortalité plus importants, des coûts vétérinaires élevés et une diminution des rendements sur le long terme. Il y a donc un argument économique clair en faveur de pratiques centrées sur le bien-être.

Les piliers du bien-être animal en milieu agricole

Mais qu’entend-on réellement par "bien-être animal" ? Ce concept repose sur plusieurs critères définis par des experts en éthologie et pris en compte dans les réglementations européennes :

  • L’accès à la nourriture et à l’eau : Les animaux doivent pouvoir s’alimenter et s’hydrater correctement, sans compétition excessive entre individus.
  • Un espace de vie adapté : Il s’agit non seulement de limiter la surdensité, mais aussi de fournir des lieux favorisant des comportements naturels (cachettes, zones d’ombre, sol meuble pour les porcs, etc.).
  • Un niveau de stress réduit : Les interventions humaines (transport, soins, abattage) doivent minimiser les situations de peur ou de douleur pouvant affecter la santé physiologique des animaux.
  • L’accès à l’extérieur : Quand cela est possible, permettre aux animaux de voir la lumière naturelle, de bouger et de pâturer librement améliore significativement leur état général.

Les gains productifs sur le long terme

Penser le bien-être animal ne se limite pas à réduire des cas de souffrance animale. C’est aussi un levier pour pérenniser les revenus des agriculteurs. Voici pourquoi :

  • Amélioration de la santé : Un animal moins stressé et vivant dans de meilleures conditions sera moins vulnérable aux maladies et aura une durée de vie productive plus longue. Cela réduit à la fois les pertes économiques et la dépendance aux antibiotiques.
  • Optimisation des cycles biologiques : Chez les vaches laitières, par exemple, les stress chroniques diminuent la fertilité et la qualité du lait. Travailler sur leur bien-être permet d’éviter ces déséquilibres.
  • Valeur ajoutée des produits : Le consommateur est de plus en plus attentif à la qualité et la provenance des produits alimentaires. Les labels comme "Agriculture Biologique" ou "Label Rouge" valorisent sur le marché des produits issus de pratiques respectueuses du bien-être animal.

Une complémentarité avec l’agroforesterie

Dans ma propre ferme expérimentale en Dordogne, de nombreux apprentissages sont issus de la façon dont les animaux interagissent avec les systèmes agroforestiers. En agroforesterie, on peut créer des environnements propices au bien-être animal tout en augmentant la résilience écologique des exploitations. Voici quelques exemples concrets :

  • Usage des haies pour le pâturage : Les haies brise-vent offrent de l’ombre, tout en créant un microclimat plus adapté aux animaux. Cela réduit les coups de chaleur chez les bovins ou ovins en été, ce qui améliore leur consommation alimentaire et leur productivité.
  • Nourriture complémentaire : Les arbres fruitiers ou fourragers intégrés dans les systèmes agroforestiers contribuent à offrir des ressources alimentaires supplémentaires (châtaignes pour les cochons, glands pour les volailles, etc.).
  • Compostage et santé des sols : Les animaux, s’ils sont gérés de manière rotative, utilisent mieux les prairies tout en enrichissant naturellement les sols grâce à leurs déjections. Cela favorise ensuite la productivité des cultures associées.

Des initiatives qui inspirent

De nombreuses fermes en France et à l’étranger montrent l’exemple en prouvant que bien-être animal et productivité ne s’opposent pas. Voici quelques initiatives qui méritent d’être suivies :

  • En Suède, les fermes laitières investissent massivement dans des "lits de confort" pour les vaches, leur permettant de se reposer dans des conditions optimales. Résultat : une augmentation de 20 % de la production laitière enregistrée en seulement 5 ans (source : FAO).
  • Aux Pays-Bas, une coopérative appelée Kipster a réinventé les élevages de poules pondeuses en alliant extérieur, alimentation issue de déchets alimentaires, et autonomie énergétique des fermes.
  • En France, certaines exploitations agroforestières comme celles du réseau "Arbres et Paysages" intègrent des parcours de plein air pour les animaux en utilisant la biodiversité locale comme levier d’amélioration des rendements.

Vers une agriculture éthique et performante

En définitive, améliorer le bien-être animal ne doit pas être vu comme une contrainte additionnelle, mais comme un outil puissant pour construire une agriculture résiliente et ambitieuse. Ce modèle est à la croisée des chemins entre éthique, santé des sols et productivité accrue.

Dans mon quotidien en Dordogne, je continue à observer que lorsqu’un animal est bien dans son environnement, cela se reflète immédiatement dans ses performances et son apport à l’exploitation, que ce soit en termes de lait, de viande ou même simplement dans sa contribution à des cycles agroécologiques. C’est peut-être une des leçons les plus simples que la nature ait à nous offrir.

En savoir plus à ce sujet :